Et si le congé paternité favorisait l’égalité de promotion professionnelle ? 

L’INED1 a présenté le 21 juin aux Organisations syndicales son rapport annuel 2022 sur les différences de rémunération entre les femmes et les hommes chez Michelin. La bonne nouvelle est qu’il ne constate pas d’inégalités salariales entre hommes et femmes chez Michelin. En revanche, des inégalités de promotion perdurent, qui pénalisent tout particulièrement les femmes cadres à partir du NRP K. La promotion d’un congé paternité de 10 semaines serait un levier fort et pérenne de correction de ces inégalités. A quand chez Michelin ? 

Tout d’abord nous nous réjouissons que ces conclusions, identiques à celles de l’an passé, confirment une politique salariale égalitaire au sein de notre entreprise. Cela démontre un engagement fort de l’Employeur. Cet engagement se reflète d’ailleurs aussi sur l’index égalité femmes-hommes, qui pour 2021 et 2022 s’établissait à 99/100.  

Notons toutefois que s’il n’y a pas d’inégalité salariale, il existe tout de même des différences, qui s’expliquent en partie par la démographie et les caractéristiques des effectifs de l’Entreprise.  

Ces différences salariales reflètent en partie les inégalités de promotion que constate l’INED sur la même période – et qui elles ne sont pas prises en compte par l’index égalité femmes-hommes. Ainsi, sans surprise, la probabilité de promotion pour les femmes Agent est plus faible que pour les hommes, et plus forte pour les femmes Collaborateur que pour les hommes. Elle est aussi plus faible pour les femmes Cadre D à K. 

Sur ce dernier point, une partie de l’explication pourrait être liée à l’impact de la parentalité sur les carrières des femmes et des hommes. En effet, les statistiques sont unanimes sur le sujet : l’arrivée d’un enfant n’a pas d’impact voire favorise les hommes dans leur carrière -on parle même parfois de « prime à la parentalité » pour les hommes4. A l’inverse, elle désavantage la carrière des femmes, a fortiori celle des femmes cadres, qui sont deux fois plus nombreuses à déclarer avoir réduit leur temps de travail que les ouvrières 5. En conséquence de quoi les mères accusent une perte de salaire de l’ordre de 25% cinq ans après l’arrivée d’un enfant 6

En cause ? La combinaison des effets de « Spécialisation des conjoints7 » et des stéréotypes de genre. Du fait de la longueur relative du congé maternité par rapport au congé paternité, les mères deviennent plus facilement et rapidement le parent « référent », tandis que les pères sont vite ramenés à un rôle de « gagne-pain ». En toute logique, ces disparités perdurent, ce qui explique la diminution du temps de travail -et donc l’opportunité de promotion- des femmes par rapport aux hommes, en particulier cadres.    

La CFE-CGC Michelin est convaincue que le congé paternité est un levier clé de l’égalité femmes-hommes. Nous demandons ainsi à l’Employeur d’encourager les pères au sein de l’Entreprise à prendre leurs 28 jours légaux (soit 4 semaines) de congé paternité. Il nous semble indispensable de sanctuariser cette période en sensibilisant les managers, pour garantir aux pères un « safe space » notamment via entretien de retour de congé paternité (au même titre que les femmes).  

Mais au-delà, nous réitérons notre souhait que l’Employeur aille au-delà du congé légal, et propose, comme cela se fait dans de nombreuses autres entreprises du CAC40 (L’Oréal, Pernod-Ricard, Sanofi…), un congé paternité de 10 semaines indemnisé à 100%. De nombreuses études montrent que la présence du père au côté de la mère les premiers mois favorise une meilleure répartition des tâches domestiques et parentales, et réduit donc à long terme les inégalités femmes-hommes notamment les discriminations dans le cadre du travail. A court terme, il réduit aussi les risques liés à la dépression post-partum (qui est en France la première cause de mortalité des mères à 1 an post-partum).  

Rappelons que le rapport “Les 1000 premiers jours, là où tout commence” publié en 2020 préconise 9 semaines de congé paternité, l’UNICEF demande un congé parental payé d’au moins 6 mois pour les deux parents. Et si l’on regarde les pratiques de différents pays européens, on constate que l’Espagne propose 16 semaines de congé paternité (la même durée que le congé maternité en France), la Finlande offre 7 mois de congé paternité et maternité, le Danemark propose jusqu’à 34 semaines et la Suède jusqu’à 78 semaines8.  

Dans un contexte où Michelin cherche à recruter de l’extérieur de nouveaux talents, qui sont très sensibles à la qualité de vie et conditions de travail, nul doute qu’un congé paternité ambitieux comptera parmi les éléments qui peuvent faire pencher la balance.  

[1] Institut National d’Etudes Démographiques

[2] A âge, ancienneté et métier équivalent

[3] A âge, ancienneté et métier équivalent

[4] Rapport EVE et DONZEL- Égalité professionnelle et leadership au féminin : 50 chiffres pour savoir, comprendre, débattre et agir – Octobre 2020

[5] Laïla Bentoudja, Tiaray Razafindranovona (division Emploi, Insee) – mars 2020  (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4465360#titre-bloc-10)

[6]Pierre Pora, Lionel Wilner (Insee,Crest) – Octobre 2019 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4226475#titre-bloc-3)

[7] Ariane Pailé, Anne Solaz (INED): Concilier, organiser, renoncer : quel genre d’arrangements ? – mars 2019 (https://hal.science/hal-02079176)

[8] https://www.oxfamfrance.org/inegalites-femmes-hommes/levier-de-lutte-contre-les-inegalites-femmes-hommes-la-france-doit-renforcer-son-conge-paternite/

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