Assemblée Générale des Actionnaires : nos recommandations de vote

Quelques résolutions ont retenu notre attention.

Voici nos recommandations de vote concernant les résolutions de vote proposées aux actionnaires.

Focus sur certaines résolutions en gras :

Résolution 2 : Fixation du dividende: Abstention


Le dividende est proposé en hausse de 8%, ce qui ne paraît pas illogique au regard du niveau du résultat net de 2 Milliards. Par ailleurs, avec un taux de distribution (part des bénéfices versée aux actionnaires) de 49%, Michelin est légèrement inférieur au niveau moyen pratiqué en 2023 par les Groupes du CAC40 en matière de versement des dividendes (55%).

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un pourcentage élevé, surtout si on y ajoute les rachats d’action (500 M€ cette année). En ajoutant dividendes et rachats d’action,  ce sont près des ¾ du résultat net 2023 qui seront restitués aux actionnaires, conformément au taux moyen observé par les groupes du CAC40 l’an dernier.
Pour la première fois de son histoire, le Groupe restituera aux actionnaires plus de 1,4 milliard d’€ aux actionnaires.

Nous n’ignorons pas la difficulté à attirer et fidéliser les actionnaires en leur proposant des taux de distribution qui seraient inférieurs aux pratiques du marché. Mais ce n’est pas parce que le marché impose des standards toujours plus élevés qu’il faut s’y soumettre sans faire entendre sa voix. Pour la CFE-CGC, on est au-delà de la limite du pourcentage de résultat distribuable aux actionnaires. Donner beaucoup aux actionnaires, c’est aussi obérer sa capacité à investir sur fonds propres à un moment où les investissements vers la transition écologique sont incontournables.

En revanche, contrairement à l’an dernier où le dividende avait progressé de 11% alors que le bonus Groupe reculait de 45% dans le même temps, cette année, les salariés bénéficieront également des très bons résultats du Groupe au travers du bonus Groupe et du bonus Equipes partiellement indexé sur le bonus Groupe. Toute proportion gardée, il y a donc une symétrie des attentions entre actionnaires et salariés.

En prenant en compte l’ensemble de ces éléments en considération, nous appelons à l’abstention sur cette résolution.

Résolution 5 : rachat d’actions: contre.

Les rachats d’action sont favorables aux salariés lorsqu’il s’agit d’alimenter les plans d’actionnariat salarié (Bib’Action), voire d’attribuer des actions de reconnaissance à des salariés méritants sous la forme d’actions gratuites ou de stocks-options. Il faudrait voter pour.
A l’opposé, lorsqu’ils servent uniquement à soutenir le cours de bourse au seul bénéfice des actionnaires, leur utilité sociale et environnementale est quasi-nulle. C’est du cash brûlé, comme de l’eau déversée sur du sable, alors que ce cash pourrait servir à des investissements vers la transition écologique ou mieux associer les salariés aux résultats. Il faudrait voter contre.

Ces rachats d’action pour soutenir le cours de bourse sont une tendance lourde puisque la lettre Vernimen de janvier dernier nous apprend que les rachats d’action opérés par les Groupes du CAC40 l’an dernier n’ont jamais été aussi élevés (plus de 30 Milliards €), à tel point que le gouvernement envisage sérieusement de les taxer.

Les sociétés du CAC40 arguent que c’est un moyen pour elles de fidéliser leurs actionnaires et qu’elles doivent suivre le mouvement, au risque de perdre des actionnaires, donc des sources de financement. Et qu’en soutenant le cours de bourse, elles rendent plus difficile un éventuel rachat par un concurrent ou un fonds prédateur.

L’ennui est qu’il n’y a pas de distinguo entre le « bon » rachat d’action et le « mauvais » rachat d’action. Un rachat d’action est un rachat d’action, comme un chasseur est un chasseur. Reste donc à déterminer les poids respectifs dans le total des rachats d’action. Lors du dernier CSEC, le cabinet Secafi montrait qu’environ 1/3 des rachats d’action cette année servirait à financer les plans d’actionnariat salariés tandis que les 2/3 serviraient à remercier les actionnaires. Ainsi, les rachats d’action vont donc majoritairement servir à soutenir le cours de bourse et dans ces conditions, la CFE-CGC ne peut soutenir une telle démarche. Nous appelons donc à voter contre.



Rémunération des gérants: Résolution 9 : Abstention / Résolution 10: pour 

La question de la rémunération du dirigeant n’est pas simple.

La constitution de sa rémunération est déjà complexe entre éléments fixes, éléments variables annuels, pluri-annuels sous forme d’actions de performance, avantages en nature… En outre, il faut distinguer ce qui a été perçu au titre des résultats passés et ce qui sera à percevoir au titre des résultats actuels. Nos gérants n’échappent pas à la règle et il faut vraiment bien s’accrocher pour appréhender tous les éléments de leur rémunération.

Il y a plusieurs prismes pour aborder la question: d’abord regarder par rapport au « marché » des dirigeants. Avec 3,8 M€ de rémunération attribuée au titre de 2023, Florent Menegaux se situe dans la fourchette basse des dirigeants du CAC40. C’est un élément souvent mis en avant par les comités de rémunération et le discours ambiant des cercles dirigeants: « bah, il n’est pas cher payé par rapport à ses collègues et au vu de ses résultats ».

Ensuite, on peut prendre en compte la modération qui est déjà appliquée. Ainsi Florent Menegaux rappelle à juste titre que son variable est plafonné à 150% du fixe et ses actions de performance à 130% du fixe.

Ce sont des arguments factuels et tout à fait recevables. Pour autant, sont-ils totalement satisfaisants ?

Ce qui nous paraît plus pertinent comme approche est de regarder le rapport entre la rémunération du dirigeant et celle moyenne des salariés. Là encore, les appréciations peuvent fortement varier selon les sensibilités: ainsi le cabinet Proxinvest, qui scanne les rémunérations des dirigeants, recommande que la rémunération du dirigeant ne dépasse pas 100 fois la rémunération moyenne des salariés quand pour l’ONG Oxfam, cet écart devrait être plafonné à 20, soit 5 fois moins… Alors où mettre le curseur ?

Pour la CFE-CGC, il nous a semblé raisonnable d’associer nos votes aux seuils suivants:

rémunération dirigeant < 40 fois salaire moyen salariés: pour /

entre 40 et 50 fois le salaire moyen: abstention /

supérieur à 50 fois le salaire moyen: contre 

D’ailleurs, ce seuil pivot de 40 fois le salaire moyen était le seuil que s’était fixé Henry Ford, le célèbre inventeur de la Ford T, dans les années 1930. Comme quoi, la CFE-CGC n’invente rien et cette question de la « juste » rémunération ne date pas d’aujourd’hui.  

Pour 2023, voici ce que nous indique le Document d’Enregistrement Universel (p°135):

Florent Menegaux: 48,8 fois le salaire moyen (61,7 fois le salaire médian) => abstention

Yves Chapot: 31,1 fois le salaire moyen (39,9 fois le salaire médian) => pour

Résolution 11 : rémunération de la présidente du Conseil de Surveillance : Mme Dalibard : Abstention

Suite à des benchmarks, la rémunération de la présidente du Conseil de Surveillance a été revue à la hausse, passant de 120 000 € annuel à 400 000 € annuel. Cette révision a été actée lors de la dernière Assemblée Générale de mai 2023.
Que sa rémunération soit revue au regard des benchmarks et du travail fourni est une chose. Qu’elle le soit dans des proportions aussi fortes en une seule fois en est une autre.
Par ailleurs, la rémunération de la présidente du Conseil de Surveillance est désormais plus de quatre fois supérieure à celle des autres membres du Conseil de Surveillance. Travaille-t-elle plus de 4 fois plus que les autres membres ? Nous avons des doutes sur le sujet.
Au vu de ces réserves, nous appelons à s’abstenir.   

2 réponses à “Assemblée Générale des Actionnaires : nos recommandations de vote”

  1. Enrico dit :

    Bonjour et merci pour ces éclairages et réflexions.
    Chacun jugera de la pertinence des recommandations, le rappel des faits permet à chaque actionnaire de se positionner est c’est très intéressant; j’espère que vous prévoyez de poser certaines de ces questions lors de l’AG, en « live ».
    J’ai juste une remarque: il y a probablement une « coquille » car à ma connaissance Henry Fonda est un acteur, et aussi le père de Jane Fonda. Du coup, je doute que ce soit également le père de la Ford T: ne serait-ce pas plutôt Henry Ford?

    • admin dit :

      Bonjour Enrico,
      Merci pour votre lecture fidèle et vos commentaires réguliers.
      Effectivement, il y a une coquille car il s’agit bien d’Henry Ford, l’inventeur de la Ford T et non pas de l’acteur Henry Fonda.
      Nous avons corrigé l’article en conséquence.
      Bien à vous

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